❝BROKEN INSIDE, YOU TRY TO SURVIVE❞

La lune était haute lorsque Kenzie décida de quitter sa chambre d’hôtel. Toute de noir vêtue, elle ferma silencieusement la porte de sa chambre et marcha dans les couloirs. Sortir à une heure pareille pouvait paraitre impensable pour une autre femme qu’elle, mais pour Kenzie, cela relevait d’un besoin. Vital. Elle est ce qu’on appelle communément une noctambule. Ce genre de personne qui ne vivent que la nuit et qui haïssent le jour. Elle détestait le soleil et sa chaleur sensée être apaisante sur son visage. Elle préférait la fraicheur et l’humidité de la nuit, les gouttelettes d’eaux rosées en suspension l’attiraient et leur caresse sur son visage l’apaisait. Elle portait un jean noir et des bottes. Sa veste en cuir n’était qu’un énième accessoire qu’elle appréciait plus que tout, plus qu’un look, c’était une philosophie de vie, et le meilleur ami des chasseurs pour sa résistance aux déchirures… Elle dévala ensuite les marches qui menaient au rez-de-chaussée. Personne n’était là, bien évidemment, seule une petite lumière montrait la présence d’un homme endormi à l’accueil, qui ronflait bien plus fort que de nécessaire. Elle se prit à sourire et reprit sa marche. Kenzie se retrouvait enfin dehors et l’air frais venait lui faire comprendre que le temps s’était radoucit, c’était idéal à ses yeux. La jeune femme marcha donc jusqu’au cimetière. Dévalant les kilomètres dans l’espoir de trouver des réponses à ces questions qui lui restaient sur le coin de la gorge, qui la taraudaient et qui, quelque part, lui pourrissait l’existence. Elle se sentait bloquée dans cette chasse, elle cherchait de vaines réponses qui ne la mèneraient sûrement nulle part. Elle tournait en rond. Cette sensation était sûrement la pire de toute, parce qu’en attendant, elle n’avait pas fini sa chasse, et tant qu’elle n’était pas terminée, elle n’avait aucune chance de quitter l’endroit. Ce n’était pas qu’elle détestait foncièrement Collinston mais c’était une petite ville pourrie dans le fin fond des Etats-Unis comme il en existait tant d’autres. Ce genre de villes qui ne vous attirent pas parce que leurs charmes ont passé et que leurs murs deviennent vieux et pleins de mauvaises herbes…

Non, Collinston n’était pas un paradis sur terre aux yeux de la douce Kenzie, ça ressemblait plus à un enfer. Elle haïssait purement et simplement ce genre d’endroit, surtout quand la chasse devenait oppressante et de plus en plus difficile à cerner. Elle rêvait de partir et de revenir fleurir la tombe de ses parents, ce qu’elle faisait à chaque fois qu’elle terminait l’une des nombreuses chasses qu’elle entreprenait au fil des années. Plus qu’un métier, c’était une vocation ou une malédiction. Si elle n’avait pas fait ça, elle n’aurait pas fait bien plus au cours de sa courte vie et le peu d’études permises par ses parents ne lui avaient pas vraiment offert le bagage nécessaire pour des études supérieures. Ils l’avaient contrainte à choisir la chasse et l’arc pour seul instrument de défense. Elle s’était donc dédiée à une voie qu’elle n’avait pas vraiment choisie de bon cœur. C’était difficile et parfois douloureux. On frôle la mort dans l’anonymat le plus total dans l’espoir de voir survivre une population qui ne vous remercie même pas une fois votre tâche ingrate réalisée. Le métier de chasseur est bien difficile pour une âme faible. Elle, Kenzie, avait du redoubler d’effort pour ne pas succomber à la solitude qui la prenait. Finalement, elle tourna vers le cimetière et en poussa la petite porte. La pénombre ambiante et le manque de lampadaires ne la gênaient pas vraiment, elle avançait avec une lampe torche dans les mains et observait pensivement chacune des tombes qui trônaient en ces lieux. Trainer dans les cimetières faisait partie des supers délires qu’avaient les chasseurs. Se trimballer la nuit paraissait bizarre, elle osait le croire, mais Kenzie préférait faire ceci la nuit, parce que les curieux avaient toujours tendance à vous poser des questions lorsque vous passez en revue chaque tombe et que vous regardiez attentivement. Il y avait toujours l’excuse d’être une adjointe au maire qui voit les plans pour agrandir le cimetière dans un futur lointain mais elle n’aimait pas l’idée d’être prise dans son élan. C’était presque frustrant comme sensation. Elle trouva enfin la tombe qu’elle cherchait lorsqu’elle entendit du bruit derrière elle. Elle attrapa donc son arc qu’elle banda au maximum, cherchant du regard la cible de son inquiétude. Bientôt une lampe torche s’alluma et elle sursauta. Ce n’était pas une créature de la nuit ou même un ennemi. C’était… « Dean ? ». Elle n’en croyait pas vraiment ses yeux. Retrouver quelqu’un qu’elle connaissait ici relevait du miracle mais en plus, ils se connaissaient plus que bien… Le temps qu’ils avaient passé à faire des recherches les avait rapprochés mais ils s’étaient bien vite perdus de vue. Elle avait en face d’elle un fantôme du passé. Un fantôme accompagné d’une bouteille de whisky… « Je te retournerais bien la question mais à force on va jamais se répondre alors je vais répondre la première : je suis en chasse. Et toi ? Tu viens écrire des chansons tristes avec ta bouteille pour seule amie ? ». Sa répartie s’était sûrement affirmée avec les années et Dean risquait de ne pas retrouver celle qu’il avait connue des années plus tôt. Elle avait grandit, c’était un fait. Et lui aussi… « T’as vieilli dites donc… Mais ça te va bien hein… Ça fait homme viril… C’est cool… ». Elle s’enfonçait un peu en disant ça mais elle le ressentait ainsi, ça lui donnait un air sérieux même si l’alcool devait ne pas l’aider à garder la forme de ses seize ans… A l’époque ils étaient des gosses qui rêvaient de leur premier baiser, aujourd’hui ils étaient deux adultes qui se retrouvaient pour un deuxième round…

❝BROKEN INSIDE, YOU TRY TO SURVIVE❞

Le temps avait coulé sous les ponts. Les traits de Dean apparaissaient tannés par le temps, des rides coulaient sur son front montrant à quel point ils avaient changé. Pourtant le souvenir de leur rencontre restait intact dans son esprit, la douceur de ses traits à l’époque et son humour décalé… Leur premier baiser interrompu par une saloperie venue tout droit des enfers… C’était tellement romancé qu’ils auraient pu passer à la télé avec ce genre d’histoire à deux balles. Ils n’étaient même pas innocents à cette époque-là, ils étaient deux gosses trainés par leurs parents, élevés, pourris, bourrés à la chasse jusqu’à ce qu’ils en recrachent leurs tripes. Dean ne méritait pas plus qu’elle ce destin qu’on leur avait collé entre les mains mais ils continuaient de vivre comme des nomades comme pour honorer une entité qui les a lâchement abandonnés des années auparavant. Tu parles d’un flambeau, Kenzie commençait à croire que c’était plutôt une malédiction. A cause d’eux ils étaient deux âmes en peine qui recherchaient à se consoler en faisant plaisir à ceux qui ont perdu la mort en leur enseignant ce métier. Elle se demandait parfois comment auraient été les choses s’ils ne s’étaient pas rencontrés dans ces circonstances… Ils auraient sûrement eut le bonheur de sortir ensembles et de se plaquer au moment où ils en auraient eut marre… Les retrouvailles auraient sûrement été plus gênantes alors… Surtout étant donné qu’ils n’avaient même pas eu le loisir de devenir assez intimes pour aller plus loin qu’un simple baiser digne des films romantiques qu’on voit l’après-midi sur la sixième chaine de la télévision française… On appelle ça un navet d’ailleurs. A une époque, leurs étoiles brillaient haut dans le ciel mais ce temps était bel et bien révolu et aujourd’hui ils se retrouvaient pour faire les comptes et ils n’avaient rien de présentable à dire… Ils étaient tout deux de très beaux handicapés des sentiments comme la plupart des nouveaux chasseurs qui ne peuvent pas rester avec un amant plus d’une nuit sans se sentir coupable de lui faire subir son destin… La vie était belle lorsqu’ils s’étaient rencontrés… Comment est-ce qu’ils avaient pu en arriver là, épuisés, détruits, le cœur en miette et l’estime de soi au plus bas…

La jeune femme avait bien vu cette bouteille qu’il tenait dans ses doigts crispés, elle savait ce que ça voulait dire. Dean avait beau ne pas avoir de grandes dispositions à l’alcoolisme, il semblait tout de même s’adonner ce soir à ce genre de plaisirs solitaires. Il parait que boire nous permet de mieux bosser, Kenzie pensait surtout qu’elle permettait de combler la solitude du chasseur et quand on se blesse, ça permet d’oublier la douleur… Il était donc la pour la chasse, tout comme elle, une bonne chose, au moins il n’était pas devenu un cinglé qui aime se promener dans les cimetières en compagnie d’une bouteille de Whisky. Malheureusement sa petite excuse n’était pas vraiment du genre solide, certes, c’était plutôt intéressant, mais la bouteille arrivait bientôt à son milieu, voir vers sa fin, elle ne savait même pas avec la nuit environnante. Elle se permit un sourire et se mordit la lèvre, se penchant comme pour lui faire une confidence : « Petit conseil : lorsqu’on veut faire croire à une fille qu’on emmène sa bouteille pour la chasse, on essaie de la laissée remplie au maximum. Je suis sûre que si je venais sentir ta bouche maintenant, je serais bourré sans avoir touché le goulot de cette bouteille… ». Kenzie reprit bientôt sa place a une distance raisonnable du jeune homme avant de sourire plus largement en remettant une mèche de cheveux bruns en place. Il n’avait pas vraiment changé physiquement mais elle n’espérait pas refaire les mêmes choses qu’avant, c’est-à-dire, perdre son temps à tenter de l’embrasser alors qu’ils étaient maintenant deux adultes capables de faire beaucoup plus sans une seule once de remords après ça. Elle n’avait pas encore rencontré Cameron –la joueuse précise au cas où xD-. La réponse qu’il lui offrit la fit relever l’un de ses sourcils, soudainement intriguée. Sexy ? Vraiment ? Elle était quoi alors avant ? Innocente ? Moche ? Bizarre ? C’était comme ce genre de mauvais compliments qui cachent un gros défaut qu’on avait avant et qui est partit depuis. Merde alors, elle s’était réellement améliorée avec le temps ? Elle ne s’en était même pas rendu compte. « Merci, j’espère que je ressemble à une femme, sinon ce serait vraiment gênant… J’imagine même pas le penchant sexuel des hommes qui ont couché avec moi jusqu’ici sinon… ».

Bientôt la chasse revenait sur la table, une habitude à chaque fois qu’ils se rencontraient… C’était triste d’en arriver là… Ils pouvaient parler de leurs vies jusqu’ici, du temps ou même de leurs derniers achats. Non, ils discutaient de chasse. Elle soupira et se retourna pour lui présenter les tombes qu’elle regardait juste à l’instant. « Elle doit être quelque part par-là… ». Elle s’approcha de lui et attrapa la bouteille qu’il tenait dans sa main avant de boire une bonne gorgée et de l’avaler. « Tu comptes faire quoi avec cette tombe ? Une ex qui te manque affreusement ? ». Elle haussa un sourcil et se prit à sourire, soudainement intriguée par ce qu’il voulait faire avec cette chose. Il devait avoir un esprit sur les bras ou une connerie comme ça… Ou sinon, elle se doutait que c’était quelque chose d’étrange et qui pouvait donc l’intéresser elle aussi…