« Numéro quatre pour emporter! » Voici ce à quoi ressemblait la vie d'une jeune fille de 16 ans. Moi, Salomay, devait travailler dans un restaurant miteux pour gagner un peu d'argent. Après tout, non seulement devais-je payer les factures de l'appartement, je payais également mes études et de quoi remplir le garde manger. Oui, oui, j'étais la seule à pouvoir fournir tous ses besoins essentiels. Ma mère était bien trop occupée à se droguer, à boire ou encore à inviter des hommes à la maison lorsqu'elle n'avait plus un sous pour se payer ses ''friandises'' préférées. Mon père nous avaient abandonné alors que j'étais bien trop jeune pour m'en souvenir. Mais je gardais toujours une photo de lui près de moi, car je croyais sincèrement que son choix avait été le bon. À sa place, je serais probablement partie aussi. Malgré tout, je dus survivre dans cet enfer qu'était ma vie jusqu'à mes 20 ans. N'ayant personne pour m'aider, j'appris seule comment économiser et vivre sans un entourage et sans une vraie famille. Juste des maillons faibles qui semblent ralentir le parcours d'une vie.

Toutefois, lorsque j'atteignis la vingtaine, je mis fin à cet enfer. Je me souviens encore de cette soirée quand ma mère invita un homme à venir chez nous ... encore une autre de ses conquêtes d'un soir. Ils s'enfermèrent dans sa chambre, comme toujours, mais il ne lui fallut que quelques minutes avant que ma mère sortit en criant. L'homme l'avait frappé en plein visage. Moi, la jeune adulte que j'étais, je me plaçais entre eux et tint tête à l'inconnu. Malheureusement, ma chère mère vit cela comme un affront et me frappa à mon tour en gueulant : « Si c'est pour me faire la vie dure, autant disparaître, pauvre peste! » J'entrais en trombe dans ma petite chambre et pris un sac avec l'essentiel dedans avant de partir vers la noirceur invitante de la rue. Voilà que mon aventure commençait réellement. Enfin, c'est ce que je croyais. La vérité; je ne savais pas comment survivre dans cet environnement. Cela ne leur prit que quelques jours avant que les policiers ne me capturent et me placent en centre de détention. Je me sentais comme un oiseau que l'on remettait en cage.

J'allais cependant pouvoir reprendre mon envol. En effet, par une journée bien spéciale au centre, j'eus la surprise d'être appelé dans la salle de visite. Une fois assise à table, un homme vint prendre place juste devant moi. Son visage ne m'était pas étranger, mais ce fut surtout sa voix qui me surpris. Cet homme ... c'était ... c'était mon père. Celui que ma mère ne voulait même plus entendre parler. Il m'avoua avoir payé ma caution et que je sortirais plus tard la journée-même. Même si je restais soucieuse de ma sécurité, il me sembla sincère dans son discours et puisque je n'avais rien à perdre, je le suivis sans me poser de questions. Seul l'avenir me montrerait le droit chemin.
Les quatre années qui suivirent ma libération furent des plus heureuses. Je ne pensais plus à ma mère, comme lorsque j'étais au centre de détention et surtout, je souriais pour la première fois depuis ma plus tendre jeunesse. Tout ça, c'était grâce à mon père. Il m'avait sauvé des griffes du passé et m'apportait un peu de lumière dans ce présent si éclatant. Cependant, il y restait une tâche des plus inusité. Carter Bellamy, mon père, était un chasseur. Non, pas dans le genre qui tue des animaux. Visualisez plutôt les bêtes les plus horribles décrites dans les légendes populaires et voilà, vous avez une idée de ce que mon père chasse. Ce n'était pas non plus une vie des plus normales, c'est vrai. Par contre, entre ça et rester cloîtrée entre quatre murs puant la drogue, je préfère encore les monstres.

Carter m'appris à me battre et à utiliser des armes en tout genre. Je passais le plus clair de mon temps au gym et lorsque j'avais un peu de temps entre mes cours, je filais à la bibliothèque pour ainsi en apprendre plus sur les vampires et tous ses mythes. Bref, je ne vivais pas le rêve américain, mais j'avais quelque chose de solide qui me maintenait sur la bonne voie. La chasse devint un mode de vie. Puis les voyages à travers les États étaient un plus. En l'espace de deux ans, je n'étais plus la Salomay peureuse et soucieuse de travailler pour le bien des autres. J'étais à présent une adulte qui n'avait pas peur de montrer son point de vue. Mais rien ne me préparait pour mes 25 ans. Une nouvelle allait me faire regretter d'avoir gardé racine près de mon père.

Entre un gâteau, quelques nouveaux revolvers comme cadeaux d'anniversaire et un « Bonne fête » un peu étouffé, mon père m'annonça qu'il devait partir pour San Fransisco. Selon lui, un agent du F. B. I. était à ses trousses et il devait s'enfuir pour garder son identité secrète. Après tout, qui allait vraiment croire un pauvre homme comme Carter que les monstres existent réellement? Il me dit ensuite que je devais partir également, mais pour Collinston, une ville en Louisiana. Bien que la distance soit dure autant pour lui que pour moi, je savais que c'était la meilleure chose à faire. Je n'eus donc pas le choix. Une fois de plus, je dus faire mes valises. Voyant la détresse dans mes yeux, mon père me fit un dernier cadeau. Il s'approcha de la voiture qui l'avait suivi lors de ses premières chasses et me donna les clés. Il affirmait que cela m'aiderait à garder le cap et j'aurais toujours une part de lui avec moi. Après des adieux difficiles, chacun pris la route qui se dressait devant lui, sans jamais regarder derrière.
Voilà maintenant deux ans que je suis à Collinston. Pour être sûre que personne ne puisse me reconnaître, j'ai changé la couleur de mes cheveux, ainsi que leurs longueurs. Je ne crois pas les garder longtemps ainsi, puisque j'espère bientôt retrouver mon père. En effet, j'attends toujours son appel, mais il ne donne aucun signe de vie et cela me rend très nerveuse. Je ne sais pas s'il est encore vivant, si l'agent l'a capturé ou s'il est en danger. Je suis seule, dans une foutue ville que je voudrais inexistante et je dois vivre au jour le jour, dans un appartement loué que j'essaie de rendre plus agréable. Puis il y a le travail. Je suis une barmaid dans le seul bar de la ville et lorsque j'ai besoin de quelques informations, je deviens strip-teaseuse sur appel. Si mon père saurait, j'aurais droit à la fessée de ma vie. Mais c'est parmi les moyens les plus rapides d'avoir un peu d'information ici. Puis rien ne vaut un homme complètement saoul pour que celui-ci parle comme une pie, surtout lorsqu'il s'agit de monstres comme les sirènes et les vampires.